Dec 12, 2006

Candidature : le temps presse

Les diverses sensibilités politiques antilibérales n’ont pas réussi à dégager de position commune à partir du choix majoritaire des collectifs en faveur de Marie-George Buffet.

Les délégués des collectifs locaux se sont quittés dimanche sur une promesse de poursuivre leur aventure commune, mais cet engagement ne peut masquer la divergence profonde que deux jours de réunion n’ont pu aplanir. La nef de la salle des sports de l’île des Vannes à Saint-Ouen, rendue célèbre par la tenue de quelques congrès du Parti communiste, a résonné d’un débat tendu, parfois jusqu’à l’extrême. Les collectifs antilibéraux avaient pourtant réussi leur pari et c’est plus de 1 500 délégués qui ont participé à ce qui devait sceller leur accord politique : la désignation du candidat ou de la candidate en charge de porter leur rassemblement dans une candidature collective. Ils y étaient parvenus après s’être entendus sur leur ambition et leur stratégie lors de l’assemblée de Saint-Denis le 10 septembre et sur un programme de transformation sociale lors de leur réunion de Nanterre mi-octobre. L’étape de ce week-end était la plus délicate et sans avoir renoncé à le faire, ils n’ont pu parvenir à un accord.

« Bâtir un double consensus »

Les collectifs locaux s’étaient prononcés toutes ces dernières semaines sur la candidature, après des débats où l’ensemble des éléments et positions des uns et des autres ont pu être largement exposés. Ils ont usé de méthodes différentes pour se prononcer, mais quelle que soit la méthode suivie, ils placent Marie-George Buffet en tête (voir ci-dessous). Claude Debons, du collectif national, qui ouvre la discussion le samedi matin, rappelle la méthode qu’avaient choisie les collectifs dans le texte adopté à Saint-Denis : « Il faut débattre, se convaincre, et chercher à bâtir un double consensus au sein des collectifs et entre les organisations, pour choisir celle ou celui qui incarnera sur le bulletin de vote notre rassemblement. » Il souligne que le collectif national ne s’était pas mis d’accord sur une méthode et « avait laissé à chaque collectif le soin de décider entre vote pur et simple et expressions de choix préférentiels ».

Durant ces deux jours, partisans ou adversaires de la candidature Buffet, les délégués se sont succédé au micro. Choix majoritaire ou consensus ? « On ne change pas la méthode juste avant une décision », explique Clémentine Autain. « On ne peut pas opposer démocratie et consensus », rétorque un délégué du Loiret. Ce débat prend parfois un tour des plus vifs. Les orateurs qui annoncent les résultats de leurs collectifs sont très souvent hués. Mais le débat de méthode résume mal les divergences de fond. Pour Gabriel Massou, délégué des Hauts-de-Seine, il ne s’agit pas d’opter pour un choix majoritaire mais de « respecter le choix des collectifs et de travailler à partir de là ». Michel Navarro d’Avignon précise qu’il faut, pour déboucher sur une solution commune, « travailler sur deux éléments. Le premier est de tenir compte du choix des collectifs. Le deuxième est de répondre à la volonté commune que la campagne ne se fasse pas autour d’un parti ». En dehors du Parti communiste, les formations politiques qui composent le rassemblement s’opposent à une candidature de la secrétaire nationale du PCF. Pour elles comme pour certains délégués de collectifs, cette candidature serait « celle du PCF » et donc incapable de rassembler largement. Une majorité de collectifs ont jugé du contraire mais au nom du « consensus », cet avis ne doit pas être pris en compte. « Le consensus, c’est un état d’esprit, explique Roger Martelli, un responsable communiste qui ne soutient pas la candidature Buffet. C’est la recherche de la solution la plus raisonnable. Si une force politique est ostracisée, ce n’est pas raisonnable, si une force politique veut rassembler autour d’elle, ce n’est pas raisonnable ». « Cela aboutit à rechercher le plus petit dénominateur commun, rétorque un délégué niçois. Ce n’est pas ainsi qu’on trouvera un bon candidat pour mener campagne. » Jusqu’au samedi soir où doit se réunir une commission de synthèse, peu de propositions sont formulées pour aboutir à un consensus. Olivier Dartigolles, au nom du PCF, renouvelle les propositions formulées la semaine dernière par Marie-George Buffet pour parvenir à « une campagne collective sur la base d’une stricte égalité des candidats lors des meetings, sur les matériels de communication, dans la presse écrite et audiovisuelle ». Yves Salesse annonce qu’il est prêt à retirer sa candidature « si cela peut servir une candidature de consensus ». Francine Bavay, des Alter Ékolo, demande à tous de se retirer pour laisser la place à une candidature issue du mouvement social. Éric Coquerel du Mars réaffirme son choix pour des primaires en janvier.

Dimanche matin, la tentative de synthèse de la nuit est rendue publique : « Aucun consensus ne s’est dégagé de la discussion. Pour l’heure, il n’y a pas de double consensus ni sur le nom ni sur la méthode pour le trouver. »

« Inventer une campagne nouvelle »

L’atmosphère se tend encore. Beaucoup de désarroi chez les délégués. À quoi s’ajoute, notamment chez les partisans de Marie-George Buffet, une colère difficilement contenue. À un intervenant qui « rassure le PCF » en affirmant qu’on se battra « pour qu’il conserve ses députés sortants », un militant communiste « demande le respect. Je ne suis pas ici pour sauver 22 députés communistes, réplique-t-il, mais pour gagner des dizaines et des dizaines de députés antilibéraux ». En milieu de matinée, Claude Debons propose une motion demandant aux collectifs et sensibilités « d’envisager toute candidature, y compris nouvelle, qui permette de déboucher sur un consensus qui n’a pas été trouvé jusqu’à présent ». Elle préconise « une nouvelle assemblée des collectifs ». Il s’emploie, sans y parvenir, à la mettre aux voix sans débat. Patrice Cohen-Séat fait alors de nouvelles propositions pour le Parti communiste. « La première est qu’on n’arrête pas. On continue, insiste-t-il, cette réunion est une étape, ce n’est pas la fin. » Et il propose d’aller plus loin encore dans le travail pour créer les conditions d’une candidature collective. Il propose aux collectifs « d’inventer une campagne d’une forme radicalement nouvelle avec au coeur la démocratie citoyenne, le contenu, et la démarche collective ». Il propose enfin de redonner la parole aux collectifs. « Le Parti communiste refuse l’échec et est déterminé à surmonter les obstacles et à réussir. » Au cours d’un point de presse, Marie-George Buffet confirme que « les communistes veulent continuer » et demande que « la parole revienne aux militants des collectifs ». « On ne peut pas se permettre de reporter la décision en janvier », affirme-t-elle. Sur une motion qui propose de demander « aux collectifs et aux organisations et sensibilités politiques [...] leurs avis et propositions pour dépasser le blocage actuel et aboutir à un consensus », les délégués se séparent, partagés entre crainte et espoir.

Olivier Mayer pour le journal l'Humanité



A consulter

le site de Marie-Georges Buffet

Discours de Marie Georges Buffet


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